22 février 2008
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Alain HELISSEN, La narration vous change la vie, Comp’Act.
Ce que j’écris est de la langue devenue fiction. La langue est une institution. Tous ses effets sont institutionnalisés. Si ce livre prend vie quand vous le lisez, il redevient substance morte quand vous le délaissez. Vous en êtes l’agent révélateur. Il s’agit bien ici d’une relation à trois entre le narrateur, la vie et le lecteur – actionnée indifféremment par une caméra multipliant les plans divers ou par un train impulsant une certaine cadence. Quelques titres éloquents portent témoignage en ce sens : Cadrages ; Des maillons du récit ; Clap ; Série B ; Le train du récit. La question fondamentale posée ici est : est-ce la vie qui ruine la fiction ou la fiction qui bouleverse la vie ? La fiction est-elle notre dernier recours ? Ou les récits mettent-ils essentiellement en scène leur propre élaboration ? De mots en mots la vie aura changé / Les mots ont fait silence et creusé sûrement le vide. L’écrivain et l’écriture servent de cadre et d’écran où les images aux contours acquis se profilent : la fiction est alors visible. Le problème qui demeure étant le suivant : comment mesurer l’écart entre celui qui écrit et ceux qui parlent à travers le récit ? Mais écrire n’est-il pas une autre façon de devancer la mort ? Le temps prenant de l’épaisseur se dédouble entre le temps de vivre et le temps d’écrire. Si la vie reprend le dessus ceux qui comptent pour vous vont faire taire votre langue.
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Traversées N°44 ; octobre 2006.