Alain HELISSEN
On joue tout seul
Editions Corps Puce
Collection « Liberté sur Parole »
Préface de Jean-Louis Rambour
Avec des photographies de Didier Lemarchand
ISBN 2-35281-031-0
156 pages
Prix : 12 € (+1,85 € de frais de port pour envoi en France. Pour l'étranger, me contacter)
Ecrire est un jeu solitaire, un rien masturbatoire. Et les efforts consentis à perdurer le jeu témoignent d’une illusion tenace : celle de trouver un lecteur consentant, disponible pour rentrer dans la partie, ne serait-ce que pour échanger en silence quelques mots, comme quelques balles dans la cour de récréation. Mais l’illusion fait vivre, entretient le désir, repousse le futur et avec lui la mort. Qui joue tout seul rassure l’entourage en lui autorisant d’autres occupations, de celles qui rassemblent sagement la tribu devant des écrans uniformes.
On joue tout seul propose une espèce de mise à nu de la création poétique et, plus largement, de la création artistique en général.
…/…
Je me contenterai donc de présenter le travail que je suis venu poursuivre et achever dans le cadre de cette résidence au Château du Pont-d’Oye - ô combien bienvenue ! -. Il s’agit à l’origine d’un projet de livre de poésie portant essentiellement sur « la solitude du poète ». Son titre, On joue tout seul, un rien provocateur, s’accompagne du sous-titre, un rien tragique, poésie en phase finale.
Après une trentaine d’années passées à écrire et à publier de la poésie dans une confidentialité jamais démentie, j’ai voulu, forçant volontairement le trait, marquer cette solitude du poète dont les vers ne sont lus, le plus souvent, que par quelques amis compatissants ou complaisants.
Commencé il y a au moins 2 ans et fortement avancé, le manuscrit de On joue tout seul était resté en attente. Son écriture, dans sa radicalité, m’avait paru mener à une impasse. J’avais le sentiment aussi d’un éreintement risquant la répétition. Je l’abandonnai à sa lente décantation.
Ce que j’ai fait : je suis venu, mon manuscrit sous le bras, jouer au Château du Pont-d’Oye en compagnie de 8 autres écrivains. 19 jours offerts pour reprendre et terminer si possible ma partie solitaire.
Château du Pont d’Oye, Belgique, août 2008
Commande à :
Alain Helissen
53 rue de l’Entente
57400 Sarrebourg
(préciser si dédicace souhaitée)
(règlement par chèque à l’ordre d’Alain Helissen
extraits :
On joue la nuit
dans un théâtre d’ombres
Toujours ce long convoi
dont on épingle au passage
quelques mots marchandises
achalandés sur papier blanc
format A4 comme l’autoroute
un peu plus loin
D’autres déplacements
On pense au pronostic vital
engagé sur la voie
d’arrêt d’urgence
-au bout de vingt minutes, plus à se préoccuper du prochain péage-
On ramène quelques mots
dans la nasse
On les range sur la ligne
avec assez d’espace entre
pour que le vent s’y infiltre
et les sèche
jusqu’à les faire craquer
comme des châtaignes oubliées
au fond du four
Poétiquant de la sorte :
Rien
de plus
terrible
Il n’y a rien de plus
terrible que de ne plus
retrouver ça
qu’à peine avant
c’est ça j’avais
entre les doigts
Ça qu’était blanc
qu’était rond
qu’était avec
trois autres ça
ronds blancs
c’est ça y’en a
plus qu’trois
au lieu de quatre
Ça boîte bas
sur trois ça
ne va pas
tenir ça
ni couci ni
couça
L’énigme est trop lointaine
et comment se fier encore
aux traces du chemin ?
L’histoire revient de loin
charrier chaque jour
des épreuves inédites
juste un p’tit bout pas beau
coup pas de quoi
produire une série
juste un p’tit bout à
frou-frou c’est tout
un point
Pas d’autre commen
taire le désir de par
ler de parer aux ré
ponses autrement que
par une reprise des
instructions dûment
Certifiées du Code Vital
.../...
François Laur a commenté "On joue tout seul"
01/04/2010
Il peut arriver quelques phrases heureuses minimes témoins d’infimes odyssées zèle ou souvenirs saveur des poires passe-crassane robe sombre âpre rouge mansois petite clé qui ouvre un songe odeur musquée jasmins d’al Andalus ombre et lumière sur des lombes racine comique d’un mot couple de ramiers sur un pin la terre l’eau l’air le feu. Mais l’incessante rumeur (ô Sarraute) l’irrésistible presque muette déferlante! qui submerge tout ce qui paraît avant même que la chair ne s’énonce, le bizarre hallier d’impressions, connexions, qui survient qui subsiste plus tenace que l’ivraie le ray-grass, d’où venue, sinon de lalangue (comme écrit l’autre), par essence commune. "On joue tout seul", dis-tu, Alain, toi le superbe artisan de langue, "Pas d’autre commen- / taire le désir de parler". D’où le désir, Alain, sinon de l’autre ? Pour qu’il y ait jeu, pour que ça joue, il faut l’entre l’un l’autre, non ? Et tu sais bien, paysan, que les truies n’ont de lait que grâce aux cochonnets ; qu’à la pétanque, nul ne s’ébat solitaire. Si le rut meurt, et la chaleur, c’est qu’ils ont eu lieu conjonction, aller avec : le coït. Et si l’"on joue / au prédateur intelligent // Loup y es-tu ?" on n’est pas seul au bois, le loup n’y manque pas : demande au chaperon rouge. « On joue tout seul » est un jeu à plusieurs, comme on a dit, cowboys Indiens : « on serait en Amérique, tu serais un chef Dakota ». on jouerait tout seul, mais il y a toujours quelqu’un d’autre à penser que le jeu en vaut la chandelle, et la tient ! Merci d’avoir abattu ton jeu en pleine lumière, Alain.
-avec son aimable autorisation-
François Teyssandier a commenté "On joue tout seul"
Bien sûr, le titre « On joue tout seul » pourrait prêter à confusion. Le lecteur serait en droit de penser, avant même d’ouvrir le livre, que la poésie n’est pour l’auteur qu’une simple activité ludique, un pur divertissement de l’esprit qui n’engage en rien le poète. Mais il suffit de se plonger dans les premiers textes pour comprendre, intuitivement, qu’il s’agit de toute autre chose : d’une réflexion, sans pédantisme aucun ni hermétisme de mauvais aloi, sur l’acte même d’écrire. Certes, le poète écrit le plus souvent seul, dans le silence (encore que certains préfèrent écrire dans un environnement plus ou moins sonore) et dans la solitude. Surtout dans la solitude, dirais-je. En effet, le poète se retrouve seul face aux mots qui s’entrechoquent dans sa tête, seul face au langage qu’il façonne et maîtrise patiemment, sans l’aide de personne. Il habite cette solitude qui le hante jour après jour, mais dans la joie somme toute d’écrire. Aucun dolorisme, aucune souffrance excessive dans les textes, mais une justesse de ton qui fait à la fois sourire et réfléchir.
En effet, la profonde et subtile originalité du recueil tient, me semble-t-il, en cette alternance de courts poèmes proches de la comptine ou de la fable et de poèmes qui se veulent plus graves, mais sans jamais devenir pesants. Le poète ne nous assène aucune leçon, aucune « morale » particulière, aucune philosophie de vivre. Il s’amuse avec les mots (tout en les respectant car ils expriment toujours quelque chose de senti, de vécu) comme un jongleur s’amuse avec ses balles ou ses massues, et parvient à ne jamais les faire tomber à terre car ils sont à la fois légers et aériens. Au pétillant poème « lambeaux de peau pas beaux… » (p.10) on peut opposer « On joue/la nuit dans un théâtre d’ombres… » (p.23). Et l’on pourrait multiplier les exemples tout au long de ce recueil. Alors oui, Alain Helissen « joue » sans aucun doute tout seul, un peu en dehors de l’agitation futile du monde (tout en gardant les pieds enracinés dans la terre) mais il tient tout de même à partager sa solitude avec ceux qui aimeront lire ses poèmes et qui voudront bien l’escorter, d’un pas alerte et gaillard, par des chemins obliques, au cœur même de la poésie.
06/04/10
(avec son aimable autorisation)
Jean-Marc Couvé a commenté "On joue tout seul"
Je ne suis pas un fada des jeux de mots " - le livre s'ouvre sur ces mots, et j'ai bien failli le refermer illico, en pensant aux H. S. & CO ! – A quoi cela tient, une lecture ?! Mais, par chance, je connaissais déjà l'auteur, et pus donc passer outre. Que Rambour commence (Al)ain-si (mal) sa pré-fa(r)ce ne m'a donc nullement rebuté. Et, bien m'en a pris, car "On joute où - seul ?" suis-je tenté de pasticher/ piste-hachée Alain Helissen (dont l'acronyme A H était cri pré-destiné !) est pavé trompetant, pétaradant (pétard, Adam !) : il en a l'épaisseur, la grande forme et la dureté (deux tons, au moins). Gros de 160 pages, sec – ce… qui nous change des plaquettes anorexiques au souffle court de bon nombre de "poètes d'aujourd'hui" (j'ai les noms, cf. ci-dessus, mais ce sont listes inter-minables qui nous mèneraient trop loin !).
" On joue tout seul" (mars 2010). L’un seul est parfois à 2 doigts d’y être à l’étroit, semble déplorer AH. Oh, le nom de l'éditeur : Corps Puce (cris' tiquent, du tac au tac), qui prend ici tous sons-sens ! Et, pour couronner le tout : 12 €, c'est le prix, mot-dick ; un prix remarquable (comparez avec d'autres, grands zéditeurs zinclus) pour cette belle, ample œuvre, LA somme majeure que signe là Helissen, Alain : philosophe - qui fait le Jacques ; pas fataliste, à l'image de notre frère Simonomis. Un Jacques de la plus belle eau ; ah ! Labello : cent coups / fait rire, ô lecteur aux lèvres gercées... Une lecture pour mourir dur comme en-fer ? Mais ne point mou-rire… idiot !
Echantillons : " ex-crémants d'Alsace " ; " la Sainte Verge / et toute sa clique / de petits seins doux " ; " Liber thé dans sang / d'encre " ; " Le chardonneret tout pour éviter la guerre " ; " TUER LA MORT / une fois pour toutes " ; et, les chats-pelles y reconnaîtront les chiens : " bécha-pêle-mêle " ! On ne peut à trop citer, le Monde (pas seulement celui de Helissen) en dégouline, comme les pages 28 à 31 qui sont feu d'art-t'y-fesse, trouvailles que vaille, lâché au P M ** - hUe ! Encore ? Page 36 : "... Bonnie / soit qui mal y Clyde ! " ou, plus sex' pie-aigle : "foutre à la volée tous les culs..." et, jouant sûr (Satan gueux) et sur la langue aux verts-bœufs : " Ce qui ne croît pas va en enfer ".
7 photos (ah, Sète !) de Didier Lemarchand complètent l'ouvrage épais, carré solide, mais ces clichés = zéro redondance, afin que Redon danse...
" j'ai rien / qu'un gros chat / grin" : CHAT-PEAU ! Ces petits vers bien pleins ont un air à la Prévert, un R passé-vers-mou-lus qui persévère, livre fermé. Un air rit-go-l'art, ère de trous verts qui trouvèrent à torts et de travers. Ainsi, pages 45-46 (Hé, à vous d'acheter l'ensemble ! Sinon, à quoi cela servirait-il que je m'é-chine à critiquer, pour nul ni-ais pékin preneur ?), on plonge dans la veine héli-saine la plus gonflée à bloc, qui fait penser en-core (puce !) à un Simonomis en verve, et bien art-rimé (que les cuistres, allergiques au vrai "Nouveau" aillent se faire voir chez Germain, cousin !)… C'est une veine bleue-nuit, d'un bleu noir, d'humour grinçant : "point trou n'en fout". Mais, dé-veine dé-chantant, aussi, à plein poumons, vers-veine mâtinée d'un zest de Frédérique, et d'une pincée de L'Anselme. Couvé qui s'en dédit !
* A H habite Sarrebourg ** Piste-olé, Mythe-railleur ?
Jean-Marc Couvé (avec son aimable autorisation)
"à fleur de pohérésie, où à chaque pohème on déguste ! Et je déguste dès les premières pages..."
Jean-Luc Lavrille
""ON JOUE TOUT SEUL" est un livre qui m'a fait sourire, qui m'a émue. Une pointe de mélancolie, une pointe d'humour noir, une pointe de subversion, une joyeuse désillusion, l'espoir tout de même à travers tes mots. J'ai beaucoup aimé. Bravo, Alain."
Béatrice Courraud
Voir aussi l'article de Michel Lamart dans la revue Diérèse N°50; août 2010.
Un petit mot pour te dire tout le plaisir que j'ai eu à lire On joue tout seul.J’y trouve, à travers ces jeux avec les mots (les maux), le tragique, la solitude et la finitude, intimement lié à la joie et au rire.
Pierre Lévis
Retrouvez aussi les articles en ligne de :
Gilbert Desmée sur le site d'Encres Vagabondes
http://www.encres-vagabondes.com/magazine/helissen3.htm
Fabrice Thumerel sur le site libr-critique :
http://www.t-pas-net.com/libr-critique/?p=2374
Romain Verger sur le site
http://www.membrane.tumblr.com